top of page
  • Writer's pictureabalabee

The Old sewing Machine / La vieille machine à coudre

Français / English


Image by Willgard Krause from Pixabay

La vieille machine à coudre

Ma mère était penchée sur une machine à coudre qui ronronnait au rythme endiablé du pédalier. Mon père lui avait bien dit d’en acheter une toute neuve et électrique, mais ma mère répétait : « Je ne changerai pas ma ‘Singer’ pour tout l’or du monde. Sans elle, je ne pourrai plus rien faire de bon. » Et que de merveilles elle accomplissait avec du fil et une aiguille ! Toutes les coquettes de la ville venaient la voir. J’aimais regarder leurs immenses chapeaux à fleurs qui couvraient des chignons complexes de boucles noires, rousses ou blondes tout en protégeant leur peau d’albâtre. Elles apportaient des mètres de tissus soyeux et, avec ses doigts d’or, ma mère les transformait en robes dignes d’une reine.


Je connaissais toutes ses clientes. Il y avait la grande brunette aux yeux verts avec son mari bedonnant, puis la blonde menue qui préparait son trousseau de noce et tant d’autres. Je les aimais bien, sans doute parce qu’elles m’offraient des friandises. Comme elles m’intimidaient, ma mère devait continuellement répondre pour moi. Lorsque je parvenais à balbutier un petit « merci », cela déclenchait toujours des rires discrets.

***

Les années heureuses passèrent. Il ne restait de la boule informe de mon enfance qu’un vague souvenir. J’étais devenue une jeune fille à la taille de guêpe. J’avais appris à coudre et j’assistais ma mère dans sa boutique. Tout respirait le bonheur dans notre demeure jusqu’à ce jour d’automne pluvieux de 1930.


Ce matin-là, ma mère ne put se lever. Mon père très inquiet la conduisit à l’hôpital. Les médecins diagnostiquèrent la tuberculose. On l’envoya dans un sanatorium, loin, très loin de la maison. Pendant son traitement, la machine à coudre resta dans son coin, seule et triste silhouette dans la pièce préférée de ma mère.

***

L’hiver passa, puis vint le printemps. Il fleurit tôt et les effluves vernaux m’emplirent d’une nostalgie douce-amère. Au début de l’été, on nous convoqua au sanatorium. Je tenais la main glacée de ma mère entre les miennes. Son teint cadavérique et ses traits décharnés me serraient le cœur. Elle marmonnait, perdue dans le purgatoire de ses derniers moments quand elle se tourna brusquement vers moi. Le voile qui couvrait son regard se leva et elle me sourit avant de murmurer : « Sèche tes larmes, ma chérie. J’ai enfin trouvé la paix. Va te reposer. J’aimerais quelques instants avec ton père. »


En lui cédant ma place, j’essuyai mes pleurs du revers de ma manche. Mes pas me conduisirent dans le couloir, je m’éloignais de ma douce et tendre mère qui m’avait dit ses adieux. Ce sentiment d’impuissance si oppressant me révolta. Sur le champ, je décidai de toujours lutter contre la maladie. Coûte que coûte, j’obtiendrais un diplôme en médecine !

***

Au cours de la plus longue journée de ma vie, plusieurs personnes vinrent attendre dans la verrière où je m’étais réfugiée. Discutant à mi-voix, elles me lançaient des regards furtifs et s’empressaient de repartir. L’odeur du désinfectant me prenait à la gorge, mais, genoux relevés, je ne bougeai pas du fauteuil de cuir rouge.


Le soleil disparaissait derrière l’horizon lorsqu’une infirmière s’approcha. À sa mine déconfite, je compris que ma mère avait expiré. Je l’ai suivie jusqu’à la chambre en longeant le corridor d’une blancheur qui meurtrissait mes yeux gonflés. Entre les puissants bras de mon père, ma mère semblait assoupie. L’esquisse d’un sourire paisible s’était dessinée sur ses lèvres bleues.

***

Nous sommes rentrés à la maison dans un silence révérencieux et une seule pensée me hantait : ma mère ne coudrait jamais plus. Dès notre arrivée, mon père s’assit à la table et s’effondra en larmes. Afin de le protéger de mon chagrin, je me réfugiai dans la pièce préférée de ma mère. Dans un halo, elle apparut devant la Singer, ses doigts couraient sur le tissu gemmé de millions de diamants alors que son pied rythmait le pédalier. Je voulus la toucher, mais elle devint diaphane, puis s’évapora. Des gouttelettes cristallines restèrent suspendues au fil de coton bleu. Tout comme moi, la machine pleurait. Engloutie sous le torrent de mon chagrin, je perçus l’écho lointain des paroles de ma mère. Elle me rassura que les coquettes du paradis désiraient se vêtir de ses créations !

***

J’ai obtenu mon diplôme médical en 1937. La vieille « Singer » repose toujours dans un coin. Après tant d’années de bons et loyaux services, elle a été remplacée par une fringante et jeune machine à coudre électrique. Jamais je n’aurais pu rythmer le pédalier comme ma mère. Chaque année, quand l’été revient, la vieille « Singer » recommence à bourdonner. Ma mère s’y assied avec des mètres de tissu angélique et une petite fille aux grands yeux noirs s’approche pour l’admirer.


 

Si vous avez des questions ou désirez en savoir plus sur la création narrative, n’hésitez pas à me contacter par courriel.

 

Nouvelle gratuite et exclusive et recueil d'histoires ancilianes afin d'explorer l'univers des Ancilians. Vous découvriez l'aventure tropicale d'Améthyste, Ambroise et Liana lors d'un séjour en Ingébas.

- Cliquez ici-

Après avoir cliqué, il vous suffira de me dire dans quel courriel vous voulez recevoir le lien.

Si vous désirez que je vous aide à développer un concept, c’est avec plaisir que je vous accompagnerai dans un processus de création ou d’innovation (suivez les liens pour en savoir plus et me contacter).


PSST! Si vous désirez en lire plus, vous trouverez la première trilogie de L’Enfant-Gardien (La prophétie se réalise : l'enfance chamboulée d'Améthyste) et l'apprentie le tout dernier tome de la série (l'adolescence avec tous ses tourments) sur

amazon.fr

amazon.ca

amazon.com

amazon.co.uk

P.S. Vous pouvez lire le tome 4 sans avoir lu la première trilogie

J'écris la saga en ordre chronologique, mais chaque époque de la vie d'Améthyste forme une trilogie ou une duologie plus ou moins indépendante de la précédente puisque ses souvenirs affectent son présent. Bien entendu, les enchevêtrements quantiques entre les personnages vous permettent de découvrir des indices qui vous annonce ce qui se trame pour Améthyste et ses alliés. En lisant l'enfance, vous comprenez l'adolescence et vice versa.

amazon.fr

amazon.ca

amazon.com

amazon.co.uk


Loudna and the Strings of Time: War of Taar sortira en anglais bientôt.

Bonne semaine!

 

The Old Sewing Machine


My mother was bent over a sewing machine purring to the frenzied pace of the foot pedal.My father had told her to buy a brand new electric one, but my mother kept saying, ‘I won’t change my “Singer” for all the gold in the world. Without it, I won’t be able to do anything good.’ And how many wonders she accomplished with a needle and thread! All the trendy ladies of the city came to see her. I was fascinated by their huge floral hats that covered intricate buns of black, red or blonde curls while protecting their alabaster. They brought metres of silky fabrics and, with her golden fingers, my mother transformed them into dresses fit for a queen.


I knew all her clients. There was the green-eyed brunette with her plump husband, the little blonde who was preparing her wedding trousseau and so many others. I liked them, probably because they often offered sweets. As they intimidated me, my mother was usually replying for me. When I managed to stammer a small ‘thank you’, it always triggered discreet laughter.

***

The blessed years passed. All that remained of my childhood’s shapeless body was a vague memory. I had become a maiden with a tiny waist. I learned to sew and was assisting my mother in her shop. Everything exuded happiness in our home until that rainy autumn day of 1930.


That morning, my mother couldn’t get up. My worried father took her to the hospital. Doctors diagnosed tuberculosis. She was sent to a sanatorium, far, far from home. During her treatment, the sewing machine remained alone in its corner, a gloomy silhouette in my mother’s favourite room.

***

Winter passed, then came spring. It bloomed early and the vernal scent filled me with bittersweet nostalgia. At the beginning of the summer, we were summoned to the sanatorium. I held my mother’s icy hand between mine. Her ashen complexion and emaciated features squeezed my heart. She was muttering, lost in the purgatory of her last moments when she turned sharply to me. The veil that covered her gaze rose and she smiled at me before whispering: ‘Dry your tears, sweety. I finally found peace. Get some rest. I would like a few minutes with your father.’


As I gave my place to him, I wiped my eyes with the cuff of my sleeve. My footsteps led me down the corridor. I was walking away from my gentle and loving mother who had expressed her adieu. This oppressing feeling of helplessness revolted me. On the spot, I decided that I would always fight sickness. Whatever the cost, I would get a medical degree!

***

During the longest day of my life, several people came to wait in the gallery where I had taken refuge. Glancing in my direction and talking in hushed voices, they left soon after they noticed me. The smell of disinfectant tightened my throat, but holding my legs against my chest, I didn’t move from the red leather chair.


The sun was disappearing behind the horizon when a nurse approached. At her gloomy face, I understood that my mother had expired. I followed her to the bedroom, walking along corridors so bright that they hurt my swollen eyes. Between my father’s powerful arms, my mother seemed asleep. Her blue lips were sketching a peaceful smile.

***

We returned home in reverent silence and only one thought haunted me: my mother would never sew again. As soon as we arrived, my father sat at the table and broke down in tears. To protect him from my grief, I hid in my mother’s favourite room. In a halo, she appeared in front of the Singer, her fingers were running over the fabric gemmed with millions of diamonds while her foot was rocking the pedal. I wanted to touch her, but she became diaphanous, then evaporated. Crystal droplets hung from the blue cotton thread. Just like me, the machine was crying. Engulfed in the torrent of my sorrow, I perceived the distant echo of my mother’s words. She reassured me that the trendy ladies in paradise yearned to dress in her creations!

***

I graduated from medical school in 1937. The old ‘Singer’ still rests in a corner. After so many years of loyal service, she had been replaced by a dashing and young electric sewing machine. I would never have been able to make the foot pedal sing like my mother did. Every year, when summer returns, it starts buzzing again. My mother sits in front of it with metres of angelic fabric and a little girl with big black eyes approaches to admire her.



 

If you have any questions or would like to know more about narrative creation, do not hesitate to contact me by email.


 

Free and exclusive short story to begin your exploration of the universe of the Ancilians. Discover the tropical adventure of Amethyste, Ambroise and Liana on Ingebas.

-Click here-

Once you have clicked, all you need to do is tell me where to send the link.


If you want me to help you develop a concept, I will be happy to accompany you in a creative or innovative process (follow the links to find out more and get in touch).


PSST! Si If you want to read more, you can find the series of L’Enfant-Gardien (French Edition) on

amazon.fr

amazon.ca

amazon.com

amazon.co.uk


My first English novel: Loudna and the Strings of Time: War of Taar is coming soon

Have a great week!


#autoédition #selfpublication #creativeprocess #processuscréatifs #ancilians #quantumfiction #fictionquantique #abalabee #sciencefiction #fantasy #SFFF #sciencefantasy #flashfiction #microfiction #dystopian #lenfantgardien #loudna

#renaissancehuman


Image by Willgard Krause from Pixabay

13 views0 comments

Recent Posts

See All
bottom of page